les lueurs de l'exil, par Michelle Hourani auteur de poèmes

Édition : Chloé des Lys (Bruxelles)

Date de parution : novembre 2018 

ISBN : 9782874599903

Ce livre se présente comme un carnet de route qui,  grâce à l’élégance de l’écriture, la musicalité, la saveur des images en perpétuelle métaphore, le remue-ménage des couleurs, invite directement le lecteur vers un cosmos ici pluriel.

L’auteur passe en revue les thèmes qui interrogent le statut d’une femme dans un pays arabe. Un éloge aussi à son Liban, terre de sang mais, paradoxalement, terre de rêves. Un mélange de désespoir hurlé et d’espoir toujours fou.

Poèmes du livre

Complainte d’un arbre

Je suis le grand chêne

M’avez-vous reconnu ?

Le seul grand arbre

Qui reste dans l’avenue

 

Je suis profondément enraciné

À l’entrée de votre cité

Dans les nuages, les yeux levés

Et les branches bien déployées

 

J’accueille les gens pressés

À  grands  bras  ouverts

J’ombrage les oiseaux de la terre

Et les rêves des bien-aimés

 

Ma terre s’est rétrécie

Car la ville s’est agrandie

Ce qui m’effraie la nuit

Ce n’est pas mon ciel gris

 

C’est que par un jour ensoleillé

On oubliera mon existence passée

Car je serai mort calciné

Par une belle voiture piégée !



Le sable de nos pas

Au-delà des océans et des terres

Il y a un monde de sable,

Une terre chaude

Où le jour se perd

Dans les songes du désert

 

Un aigle plane

Sur cet océan bleu,

Les ailes crucifiées

En plein soleil oublié

 

À chaque pas

Le vent roule

Le miroir des oasis

Et dissout

Les papillons sur mon front

 

Le désert s’étend en moi

Vaste comme la douleur

Paisible comme l’ondée du silence.



La cathédrale des mots

La cathédrale de mes mots

Est l’inventaire de ma mémoire

J’en suis le maçon

Qui façonne

L’ombre blanche de ses pierres

 

Je suis le vent

Qui chantonne

Et sculpte

Le souffle de son espace

 

Je suis le gardien

Qui protège

L’épaisseur charnelle

De ses images

 

Je suis son écho

Où résonnent

À chaque pas

Le fugace et l’éternel

 

Et pourtant je suis sa détenue,

Car je mords le silence

À chaque fois

Que les pèlerins

Ne s’arrêtent pas à ma porte.



Souhaits et tourments

À mes trois enfants



J’ai à ton réveil

Chaque matin

Un parfum fugace de paradis

 

J’ai à ton sourire

Des paillettes de joie

Au rebord de mon cœur

 

J’ai à ta parole

Des genoux qui flanchent

Au repli de ta vie

 

J’ai dans ma poitrine

Des diadèmes de soleil

Pour ton front,

Un ciel d’oiseaux en fleurs,

Une aube qui monte

Aussi loin que

Le ciel de nos aïeux,

Un amour enraciné

Jusqu’au cèdre le plus vieux,

Et une crainte imbibée de sang

Qui se drape d’infini

À chacun de tes faux pas !