Édition : L’Harmattan
Date de parution : mai 2018
ISBN : 978-2343148137
Les textes de Michelle HOURANI sont une méditation continue, une quête d’infini, dans la finitude du monde. Ce sont, à la fois, des textes de la chute et de la rédemption. Le titre lui-même décrit cette oscillation constante et cadencée, entre la mystique et l’épreuve, l’espérance et l’incrédulité, la proximité et l’éloignement.
C’est une musique feutrée et continue, qui s’achemine vaillamment vers la lumière (Nour) car elle est guidée par un amour plus fort que la mort. La poésie ainsi rejoint notre désir inextinguible de fidélité et d’éternité.
Poèmes du livre
Préface du livre
Au bord du ciel, un chemin est le journal de bord poétique tenu pour résister aux forces du mal lorsqu’elles atteignent sa propre chair, une enfant, accidentée, ensanglantée, oscillant entre vie et mort, veillée et priée. Les mots, dans leur plus grande retenue, ont alors forme salvatrice. La vulnérabilité du poème épouse en pleine cible la vulnérabilité de la vie, lestée par la peur, mais cultivant aussi l’apesanteur, pour que rien n’appuie sur ce qui se joue, une survie. Pour contenir au plus serré l’amertume qui ici ou là peut sourdre aux brèches du chagrin, les mots sont contraints à la douceur, les images réduites à leur transparence : le peu de bruit du poème se suspend au souffle devenu fragile d’une vie. La tendresse, l’attention, l’accueil de la lumière, le retour du jour comme de la nuit, les quelques mouvements du monde sont recueillis comme un baume, deviennent prière et murmure, travaillent à maintenir, parfois à reconstruire. La tension est là, à fleur de mots ; les alternances de violence et de lumière, de sombre grondeur intérieure et de paix disent la lutte. Michelle Hourani habite fortement de sa présence la parole poétique ; elle parle dans l’angoisse, étranglée, de bonheur, de rire, de sourire, de joies proches de disparaître… Elle crie aussi ; mais cantonne au plus l’expression du côté du rêve. Il s’agit de ne pas céder aux loups qui rôdent jusque dans l’ombre des corps, il s’agit d’accepter la leçon de la pierre et du poisson qui en se confiant l’un à l’autre deviennent fossile pour une éternité. Le poète se confie donc aux vibrations de l’espace, aux bougements de lumière et de mer, dans l’humilité ; elle entremêle le concret et l’abstrait pour ne laisser qu’à peine affleurer les sentiments.
Elle maintient l’état de suspens pour ne pas céder à l’amertume et translate sur des objets ailés, même imaginaires, le trop-plein de souffrance pour qu’ils prennent leur part de la lourdeur du monde : l’aigle, l’ange, le vent. Le poème repousse de son mieux l’angoisse, se veut apotropaïque, et donne vie à des entités pour conjurer la solitude : le temps, le feu, le silence, la mémoire, le quotidien, l’immensité. Contenant l’émotion, se mettant en état de suspens de soi-même, maintenant une tenue ferme et rythmée des vers, chantonnant au besoin, elle recoud la toile et concentre sa parole sur l’essentiel. Les mots peuvent sauver, par homéopathie, par la densité de douceur que disent tous ces verbes précautionneux : s’infiltrer, s’accrocher, se glisser, aspirer, trembler, retenir, se déplier… associés aux images de chemin, de lisière, de bord et de berge qui convoquent en sourdine l’idée du sauvetage. Il faut s’efforcer de modeler les mots comme des nuages, d’habiter la page comme un atelier, pour y polir ses rêves et ses soucis jusqu’à ce qu’ils adoucissent le monde, soulagent de l’inquiétude, et renouvellent des lourdeurs intérieures. Le lecteur n’est pas oublié, sollicité qu’il est de prendre sa part devant ce cri sourd et doux, aidé aussi par tous ces petits arts poétiques qui se glissent parmi les poèmes et expliquent l’humble travail du parolier. L’autre est intimé d’advenir dans le cercle des mots bienfaisants, pour colporter à son tour sa part d’humanité partagée et comprendre, grâce au poète, comment aérer son cœur.
Catherine Mayaux